Donc. Je me suis dit que j'écrirais chaque jour. Même un petit truc tout court. Pas comme dans les carnets, pas comme pour déposer mon être ensommeillé sur la p(l)age d'une nouvelle journée, après la traversée nocturne, où je ramène dans mes filets un bout du cosmos ou juste plein de questions et une envie d'avoir des réponses qui surgissent du stylo. 

Non... J'ai dû remercier la vie. Pour la découverte de cette chanson. Le Labyrinthe. Le truc le plus inattendu du monde; la friction des mondes qui font en moi, étincelle. L'écouter en boucle. Ca m'a rallumée. Purée... Comme c'est bon. Les basses. Qui parlent au ventre. à toute la peau. Qui font que le quai du métro devient le dancefloor le plus long à ma disposition.

 

 

Des choses se préparent peu à peu... ça fait du bien. Les amis, la musique qui nous traverse et nous lie. 

Avec Gunnar, Paul et Guillaume. Merci à Laura de toujours nous accueillir

 

Trying to let life pass through me again

 Virginie et d'autres parents m'ont dit d'en faire une lettre ouverte. Alors pour une fois, je l'ouvre:


Service de la Petite enfance de la Mairie du 12ème arrondissement // Direction de Baobab, Groupe SOS

Madame, Monsieur,

Je vous fais part de ma vive inquiétude pour la santé et la sécurité du personnel encadrant de la Crèche Baobab, ainsi que pour la sécurité et le bien-être des enfants qui seront accueillis au sein de cette structure l'an prochain, si les nouvelles règles d'accueil suivant le changement d'agrément sont acceptées et  implémentées.

Sauf erreur, les changements prévus impliquent une baisse sensible du personnel encadrant, et un changement du ratio du nombre d'enfants par adulte encadrant.

En outre il serait question, quotidiennement, pour une professionnelle de la petite section, de se retrouver à encadrer jusqu'à 6 enfants ne sachant pas marcher de 8h du matin à 11 heures du matin. Ce ratio est inédit. Jamais vu. Les assistantes maternelles, qui ont à leur charge (seules) jusqu'à 4 enfants ont des enfants d'âges échelonnés, certains, les plus grands, pouvant se déplacer, et ayant des besoins qui ne les accaparent pas de la même manière que des bébés. 

Les enfants de 6 mois à 1 an et demi, pour information (puisque cela semble nécessaire) sont d'une dépendance extrême, ont un besoin vital d'être portés, contenus, rassurés, changés, déplacés, protégés lors de leurs explorations où les chutes et les accidents sont vite arrivés. Deux personnes, au minimum, quel que soit le nombre d'enfants, n'est pas un luxe. Cela devrait être une règle de sécurité de base, incompressible.
Les accidents qui ont fait pourtant grand bruit l'an passé (empoisonnement d'un bébé en crèche à Lyon à l'été 2022) n'étaient pas le fait de professionnelles perverses ou maléfiques, mais bien de la réunion, tout à fait banale, de conditions semblables à celles envisagées l'an prochain: des professionnelles épuisées, poussées à bout, isolées, qui commettent un acte qui ne peut être contenu ou prévenu par des collègues: elles étaient seules. L'isolement, la fatigue, le manque de reconnaissance et le découragement des adultes encadrants n'ont jamais été d'excellents "terreaux' pour faire évoluer des enfants.

Bien évidemment, le pire n'arrive pas toujours, heureusement. Mais les conditions envisagées préparent l'érosion drastique de la qualité d'accueil des enfants de la crèche Baobab. Nous le voyons: le travail auprès des enfants en bas âge, bien que magnifique, est l'un des plus fatigants qui soient. Nous n'avons pas sous la main de statistiques, mais nous ne croyons pas que les personnes de plus de 55 ans soient sur-représentées parmi les personnels de crèche travaillant effectivement sur le terrain. On ne tient pas 40 ans sur ce genre de poste. Confirmez-vous cela parmi vos effectifs?
La moindre des choses, pour permettre à ces personnes qui font un travail si peu valorisé par rapport à l'importance de ce qu'il représente pour la société est de leur donner des conditions qui leur permette de le faire du mieux possible:
- en étant suffisantes pour assurer leur propre bien-être par de l'aide et le relais des collègues, 
  • par des temps de pause suffisants,
  • du repos et des moments pour se ressourcer à la hauteur de l'intensité que représentent les temps passés auprès des enfants.

C'est le minimum pour prévenir les burn-out, et une profonde souffrance au travail (sans parler d'une rémunération ajustée et qui reflète le rôle crucial de ce métier sur nos enfants et les générations futures). 
Or l'organisation future envisage l'exact inverse. Comment est-ce possible? Les besoins des enfants auraient-ils changé du jour au lendemain pour que les règles changent si brusquement? Ne pas donner les ressources humaines suffisantes aux professionnelles c'est préparer méthodiquement une fatigue structurelle, un découragement, de l'absentéisme pour maladie ou souffrance au travail, une perte de vocation. Quelles sont les propositions? Des remplacements au pied levé? Par qui? Des inconnu(es) des enfants? Encore une fois, nous sommes très sceptiques sur la vision de ce changement d'agrément: savez-vous comment réagit un enfant à un adulte qu'il ne connaît pas? Accepteriez-vous de confier vos enfants, à l'âge le plus vulnérable qui soit à des personnes intérimaires dont vous n'avez pu à aucun moment faire la rencontre? Quelle serait la cohérence d'une équipe qui change en permanence, le sens d'un "projet pédagogique" dans ces conditions?

Je suis, je l'avoue, profondément inquiète, car la raison d'un tel changement m'échappe. (à part l'économie, or il me semble que Baobab, association loi 1901 ne DOIT PAS avoir ce critère comme un critère pertinent dans l'ADN de son organisation). Pourriez-vous nous expliquer la logique de ce changement? Son bien-fondé? L'amélioration qu'il apporte? Ou bien êtes-vous, vous aussi, désarçonné par lui ? Et s'il intervient, auprès de qui est-il possible d'adresser notre vive inquiétude?

Je ne suis pas directement concernée par ce changement. Ma fille, Abigaïl, aura terminé son temps à Baobab en juillet prochain. 

Néanmoins je suis inquiète pour les enfants qui resteront et qui auront à subir ce choix qui semble aujourd'hui si arbitraire.
J'ai besoin de témoigner de ce qu'a permis Baobab, avec des conditions qui permettaient un encadrement de qualité :

Mon mari est décédé en Septembre 2023, à 40 ans, au terme d'une longue maladie. Pendant toute l'année qui a précédé son décès, l'équipe a été fantastique avec notre enfant, mais aussi avec son papa dont la mobilité était réduite, en dépassant de loin sa stricte mission: les professionnelles ont pris soin de notre famille (par une aide physique mais aussi des échanges humains de qualité)
Notre état de stress, à mon mari et à moi était indicible. Mais Abigaïl avait, tous les jours, à Baobab, des référentes d'une qualité indiscutable. L'équipe de la petite section était disponible, créative, sécurisante, aimante, profondément humaine. Abigaïl, malgré un contexte familial catastrophique allait bien, miraculeusement bien, et tant les professionnelles que la direction ou la psychologue de la crèche ont joué un rôle crucial dans son bien-être et son développement.
Lorsque le décès d'Adrien a eu lieu, 2 des professionnelles étaient passées en grande section et l'ont accompagnée avec une vigilance et un soin particuliers.
Cette qualité de suivi, d'attention n'aurait jamais été possible si les pros avaient été en burn out, et si, comme dans de nombreuses structures, le turn over avait rendu tout espoir de continuité impossible. 
Cela n'a été possible que parce que ces professionnelles-là avaient une profonde vocation, un amour de leur travail qu'elles ont pu déployer depuis de nombreuses années dans une structure où elles se sentent reconnues et accompagnées par leur direction, et un espace-temps et une disponibilité physique et émotionnelle qui leur permettait de faire cela, tout en accompagnant une dizaine d'autres enfants en très bas âge avec la même qualité d'attention. Imaginer que des remplaçants ou intérimaires puissent avoir ce degré d'implication et cette qualité de suivi est impossible.

L'importance de leur rôle, pour ma famille dans ce cas précis, mais pour toute la petite enfance doit être considéré, reconnu, valorisé et rémunéré à sa juste valeur. Reconnaître cela c'est simplement leur permettre de faire leur travail dans des conditions qui permettent d'atteindre leur épanouissement. Ne pas le reconnaître, c'est, comme ce que prévoit le nouvel agrément, les pousser à l'épuisement, et leur signifier qu'elles ne sont que des chiffres à qui l'on fait correspondre d'autres chiffres (les enfants), sans prendre en compte la particularité et la pénibilité de leur métier.
Le contraire nous amène à un monde où l'on sacrifie les personnes aux vocations fortes, désintéressées et indispensables pour le bien commun... pour quelle raison au juste?

Je vous prie de bien vouloir prendre un temps, long pour réfléchir à tout cela. De passer du temps sur le terrain en crèche, d'aller envisager, très concrètement, les conséquences qu'auraient les règles du nouvel agrément. De vous demander si, en tant que responsable d'une structure, vous seriez prêt(e) à créer de telles conditions et à saccager un travail construit de longue haleine, et reposant sur le bien-être de personnes dont le travail est, encore aujourd'hui, loin d'être reconnu à sa juste valeur. Seriez-vous prêt(e.s.) sincèrement, à permettre cela, avec toutes les conséquences que cela implique? Je vous pose la question très sincèrement, sans ironie ni jugement.

Merci pour votre lecture attentive.

 Aujourd'hui, ce n'est pas encore le jour des mille jours. C'est le jour des morts, dit-on officiellement. La nuit du 1er au 2 novembre. Je suis peut-être la seule, mais j'aime bien le mois de novembre. S'ajoute à ma sympathie initiale celle de savoir que c'est peut-être le moment propice pour que tu viennes passer du temps auprès de nous. Je ne sais pas s'il y a des convois spéciaux depuis la mort, pour faciliter les "Terre tours", mais te connaissant, tu dois bien savoir te passer de ce genre d'offre promotionnelle et venir quand bon te chante, ou quand je te chante, si seulement mes chants avaient pu te retenir... Je viens de reprendre ton téléphone en main, cet appareil qui s'est arrêté le 20 septembre, tout comme ta montre, qui, ce même jour, à midi, t'alerte que ton pouls est à un niveau affolant.

Comment contourner l'absurde? Comment trouver le sens? J'ai relu mes notes hier, d'un moment inspiré, où je t'avais senti si présent, deux semaines après ton départ. Tu me disais que ton corps, la douleur te coupaient de l'essence de la vie, et que, paradoxalement, tu serais plus dans la vie en la quittant. Et que tu étais là. Nous étions en charge de porter la vie depuis ici, la matière, l'endroit où se tissent les corps, où ils naissent et se créent. Tu y étais toi aussi, avec ta fougue mozartienne, mais à un tout autre endroit. A l'endroit qui inspire, qui rigole et donne envie d'être en vie. Car ça tu sais y faire. Ton corps à beau être au cimetière, tu t'en donnes à cœur joie pour "jeter des confettis" comme dirait Fida. A faire traverser des arcs-en ciels sur toute la largeur du ciel. Si ça ça n'émerveille pas. Si ça ça ne rend pas vivant.

Ton dosage. Je parlais de ton "dosage" à Fida et Sylvie. "vous voyez, quelqu'un d'à la fois pur, je ne vois pas quel autre mot employer. Mais j'aimais tellement ça de lui. Pur, et tellement drôle, plein de fantaisie, mais brut de décoffrage tout en étant sensible, malicieux et d'une force incommensurable. Et bien, ce dosage est assez rare. Enfin je ne l'ai jamais vu ailleurs, chez personne d'autre. Et il me plaisait bien"

Ton "enduit". Ca ne faisait pas longtemps qu'on était ensemble, qu'on se voyait, qu'on échangeait. J'adorais parler avec toi. Mais j'adorais aussi ton enduit. J'avais l'impression que ta peau était recouverte d'une substance qui me la rendait addictive. Ton enduit. Ca m'invitait, quand je posais la main n'importe où sur toi, à me donner envie d'aller lui faire explorer partout. Parce que ça faisait comme un aimant. Et caresser une peau aimée, aimantée même, ça reste.. 

Pilou, je vais aller dormir. Je n'en peux plus d'habiter tous ces espaces sans trouver le sommeil. la veille m'est un peu pénible, tu n'y es pas toujours. Mais à force d'arpenter les lieux en moi que tu peux investir, mon corps fatigue et surtout, ma qualité de présence auprès d'Abi se dégrade. Donc pas question. Tout ceci n'a ni queue ni tête. Mais ta disparition aussi brusque non plus je te signale. Donc un peu de clémence s'il te plaît. Ne m'en tiens pas rigueur. 


 Les 1000 jours. 

Je laisse ce titre là comme un rendez-vous avec mon prochain post. Parce qu'il s'écrit dans ma tête depuis plusieurs semaines et que je n'arrive pas à le poser. Et qu'il cherche VRAIMENT à exister. alors je vais aller dormir - il est 2h49 du mat', en pouvant me dire que le travail... de naissance et non de deuil... commence ici!

 Écrire par le milieu... Juste écrire, pour ne pas errer dans le présent sans savoir ce que j'y fais...

Adrien. Tu t'es éteint sans crier gare. Enfin, tu avais tellement déjoué tous les pronostics, et ta vivacité frétillante jusqu'au dernier jour aura bien brouillé les pistes. Goldy m'avait prévenue. Avait essayé de me prévenir. Mais de quoi au juste? Que tes angoisses n'étaient pas injustifiées. Mais il n'y avait, pour moi d'autre endroit que la vie. Même si j'étais enduite de peur, la vie était le seul endroit de certitude. 

Et ce qui est drôle, c'est que pour me relier à toi, aussi éteint que tu puisses être, je n'y parviens qu'en cherchant ce qui me rend plus vivante, ce qui me ferait marrer de t'écrire. C'est fou. J'ai dû effacer ma longue tirade sur le manque. Sur le fait que tu me manques tellement. En la déroulant, je disais quelque chose de vrai et de juste de moi, mais c'était comme si je l'écrivais à quelqu'un d'autre. De là où nous échangions, le manque ne pouvait pas rester au stade de flaque plate et humide qui jonche le sol. Et pour te trouver, je sens que je dois m'élever, me dépêtrer de cette tristesse et trouver le ton qui à toi, te parle.

Tu m'as appris ça. A trouver ce canal dans lequel tu évoluais si agilement: ce canal légèrement décalé de la réalité plate et "bland"qui te faisait rire en la regardant se dérouler sous tes yeux. Ce détecteur de comique, de drôlerie qui faisait que ta réalité, contagieuse, devenait une fête. Tu explosais de rire en me voyant exister. Mes déboires, mes questions, ma grande importance à mes propres yeux te faisaient rire. Tu m'as désarmée et reconstruite à cet endroit. Je disais l'autre jour à Sophie. "Je me manque à travers lui". Alors voilà, je vais essayer de me caler dans ton décalage. 

Pilou. Tu stressais de ta propre disparition. "mais comment vous allez faire sans moi pour tous les trucs informatiques?". "Comment vous allez pouvoir vous en sortir avec tous mes mots de passe? ". Oui parce que tu n'es pas de ceux qui écrivent leurs mots de passe quelque part. Nan. Tu avais bien un "tableau de mots de passe". Une sorte de grande Pierre de Rosette. Mais tu avais mis dans ce tableau, non pas les solutions - mais des équations à quatre inconnues pour déchiffrer un mot de passe. Et quelques jours avant ton départ, tu as commencé à faire une petite note, une sorte d'antisèche. Et là, tu nous a donné, non pas solution de tes équations, c'eut été trop facile et pas drôle. Non. Tu as donné quelques indices qui au lieu de rendre l'opération matériellement impossible, la rendait juste infernale, mais possible. Notre appart les jours qui suivirent l'enterrement s'est mis à ressembler à la base de Scotland Yard pendant la Seconde Guerre mondiale avec Turing et ses compères qui essayent de craquer Enigma. Turing étant Kate, certainement pas moi. "Notre grande complémentarité" faisait que j'avais désinvesti, ou juste jamais investi cet endroit qui requiert une gymnastique mentale incroyable.

Et on rigolait. De ton ingéniosité. De voir la complexité de ta pensée. Sa puissance; sa malice, et chaque petit bout de mot de passe décrypté était une fête: ouais!!! on a réussi à rentrer dans tes baskets! Youhouuuu on est, l'espace d'une seconde, dans ta tête!!

                                                                        ***

Adrien, tu te rends compte, je suis en train de faire notre album de mariage. On n'a pas été foutus de le faire de ton vivant. Je ne sais pas si en pleurer ou choisir d'en rire.
























 


Spectacle en crèche!

Ombres chinoises, clown et polyphonie-



Sortie du Single "Piel" par Anne Paceo et son groupe S.h.a.m.a.n.e.s 

Les mots sont sortis tous seuls, en espagnol... Tellement contente de pouvoir mettre des mots au creux des sons d'Anne, musicienne inspirée, puissante et pleine de sensibilité -

Les voici:

Ya la luna salió

Meia Meia,
Ya sonó tu voz
Pincelada de plata
Ya tu canto nació
Meia Meia,
Y de la oscuridad
La corteza se partió
Ya tu canto viajó
Meia Meia,
Tu el amanecer
O la savia del día
Tu las sabes mecer
Meia Meia
Almas al despertar
Que aletean a las cimas